Financement et gestion des projets et programmes de développement : Les effets mitigés des « Avis de non objection (ANO) » des bailleurs de fonds !

Financement et gestion des projets et programmes de développement : Les effets mitigés des « Avis de non objection (ANO) » des bailleurs de fonds !

Halidou OUEDRAOGO, Economiste-Financier.

Dans le cadre du financement et de la gestion des projets et programmes de développement, plusieurs bailleurs de fonds, organisations ou pays donateurs, imposent aux bénéficiaires de projets notamment les pays bénéficiaires, les avis de non objection (ANO).

Les ANO représentent un accord préalable du bailleur avant l’exécution de toutes ou partie des activités des projets et programmes. C’est une règle qui est utilisée pour réguler et encadrer les décaissements des ressources des bailleurs de fonds dans le financement des activités de leurs projets et programmes.

La question des « avis de non objection » des bailleurs de fonds, dans le cadre de la gestion de projets et programmes de développement reste une préoccupation majeure des bénéficiaires et soulève un point crucial dans le processus de financement et de gestion des projets et programmes dans les pays à faible revenus.

1.Qu’est-ce qu’un avis de non objection (ANO) ?

Un avis de non objection est une déclaration formelle émise par un bailleur de fonds indiquant qu’il n’a pas d’objection à ce qu’une activité précise ou un projet particulier soit mis en œuvre. En d’autres termes, c’est une sorte d’accord préalable qui donne le feu vert au porteur de projet ou au bénéficiaire pour exécuter une activité du projet et aller de l’avant dans la mise en œuvre.

2.Pourquoi est-il important ?

L’importance des ANO se trouve dans la garantie financière, le respect du cadre règlementaire et la transparence qu’il offre à la gestion des projets et programmes. Pour la garantie financière, l’ANO assure au porteur de projet ou au bénéficiaire que le financement promis sera bien accordé, sous réserve que les conditions de mise en œuvre du projet soient respectées.

Pour le respect du cadre réglementaire, l’ANO permet de s’assurer que le projet est conforme aux règles et procédures du bailleur de fonds, ainsi qu’aux réglementations en vigueur dans le pays bénéficiaire où le projet est mis en œuvre.

Pour la transparence, l’ANO contribue à renforcer la transparence dans la gestion des fonds publics et à garantir que les projets financés répondent aux besoins initialement identifiés et au cadre logique du projet.

3.Dans quels cas l’ANO est-il requis ?

L’exigence d’un ANO varie en fonction des bailleurs de fonds et des types de projets et programmes. En général, il est souvent demandé des ANO pour les cas d’importantes modifications apportées à un projet déjà financé notamment le changement de budget, consécutivement à des ajouts ou suppressions d’activités ; les cas de lancement de nouvelles procédures, les cas des appels d’offres, les cas de sous-traitance d’une partie du projet et pour les cas de l’exécution de tout ou partie des activités du projet.

En tout état de cause, l’ANO permet de s’assurer que le sous-traitant sélectionné est qualifié et fiable, garantit que ces procédures sont conformes aux règles du bailleur de fonds et permet aux bailleurs de fonds de contrôler l’exécution du projet.

En pratique, ce qu’on observe dans les projets financés par les bailleurs traditionnels est que les ANO concernent les approbations des termes de référence, les délocalisations ou non des activités, le choix de prestataires nationaux, etc.

Les « Avis de non-objection » (ANO) émis par les bailleurs de fonds jouent un rôle crucial dans la mise en œuvre des projets et programmes de développement dans les pays bénéficiaires.

Ces ANO, souvent requis par les institutions financières internationales (comme la Banque mondiale, le FMI, ou les banques régionales de développement) ou les pays donateurs, servent à valider les procédures, les choix techniques, ou les décisions financières liées aux projets et programmes.

Ces pratiquent montrent une forte ingérence des bailleurs de fonds dans la mise en œuvre des projets et programmes de développement. En conséquence, ils orientent et guident les exécutions des projets au détriment de la forte responsabilisation des bénéficiaires ou des pays bénéficiaires.

4.Comment obtenir un ANO ?

Pour obtenir un ANO, le porteur de projet ou le bénéficiaire doit généralement respecter plusieurs phases.

Tout d’abord, il suffit pour le bénéficiaire ou le pays bénéficiaire de préparer un dossier complet contenant toutes les informations nécessaires pour permettre au bailleur de fonds d’évaluer l’impact du projet, sa faisabilité et sa conformité avec les documents de projet, les politiques et stratégies.

Ensuite, le dossier est soumis au bailleur de fonds pour l’examen d’un responsable de programme ou d’un comité technique au sein du bailleur de fonds.

A l’issue de l’examen, le bailleur de fonds peut demander des précisions supplémentaires et poser des questions avant de rendre sa décision finale. Si le bailleur de fonds n’émet aucune objection, il délivre l’ANO. Dans le cas contraire, l’ANO n’est pas délivré et l’activité prévue pour être exécutée reste bloquée.

En cas d’absence d’ANO, l’activité y relative ne peut être exécutée ou mise en œuvre. En cas d’exécution, la dépense y relative est considérée comme une dépense inéligible par le bailleur de fonds et par conséquent est remboursée par le bénéficiaire ou le pays bénéficiaire.

Pour la plupart des bailleurs de fonds, la délivrance des ANO prend souvent assez de temps occasionnant de longs délais de réaction et bloquant souvent la mise en œuvre des projets et prolongeant les délais de mise en œuvre contenant dans les accords de financement.

5.Quels sont les effets pervers des ANO ?

L’avis de non objection est toujours en vigueur dans beaucoup de financements et gestions des projets de développement. Si pour certains praticiens, les ANO semblent être une bonne chose assurant une bonne coordination entre les différents acteurs impliqués dans le projet et contribuant à la réussite de celui-ci, pour d’autres bénéficiaires ou pays bénéficiaires les ANO représentent une menace pour la mise en œuvre des projets et programmes de développement en ce sens qu’ils restent un instrument de domination, d’exploitation, d’appauvrissement des bénéficiaires par les donateurs.

En effet, pour certains financements conditionnés par des commissions d’engagement, l’existence d’ANO permet au bailleur de fonds de récupérer des sommes importantes dans les opérations de financement(prêt ou de don) et de décaissement à travers l’optimalisation des durées de mise en œuvre du projet et des retards dans les différents décaissements.

Ainsi, au mépris des procédures et règles des bénéficiaires ou des pays bénéficiaires, les bailleurs de fonds appliquent leurs procédures et règles en utilisant la règle de l’ANO, comme le visa ou le quitus pour l’exécution ou la mise en œuvre des projets et programmes.

Cette façon de faire des ANO un instrument qui écorche sérieusement la souveraineté des bénéficiaires ou des pays bénéficiaires et faisant la part belle aux bailleurs de fonds, qui ont et garde la prédominance sur les projets et programmes de développement et voire sur certains domaines d’activités stratégiques.

Les « Avis de non-objection » ont un impact double sur la mise en œuvre des projets et programmes de développement dans les pays bénéficiaires.

D’une part, les ANO renforcent la transparence, la qualité et la durabilité des projets et programmes. D’autre part, ils peuvent entraîner des retards, une bureaucratie excessive et une dépendance accrue vis-à-vis des bailleurs de fonds.

Pour maximiser les bénéfices des ANO, il est essentiel que les bénéficiaires ou les pays bénéficiaires renforcent leurs capacités institutionnelles, réduisent les risques fiduciaires, améliorent la gouvernance économique et sociale et travaillent en étroite collaboration avec les bailleurs de fonds pour aligner les priorités et simplifier les procédures.

Halidou OUEDRAOGO, Economiste-Financier, ouedhali@yahoo.fr

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