Taxe de 0,5% sur les importations : l’AES renforce-t-elle son autonomie économique ?

Taxe de 0,5% sur les importations : l’AES renforce-t-elle son autonomie économique ?

Les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES), à savoir le Burkina Faso, le Mali et le Niger, ont récemment annoncé l’instauration d’un droit de douane commun de 0,5% sur les importations en provenance de pays non membres de leur confédération.

Cette mesure vise à harmoniser les politiques commerciales et à générer des revenus supplémentaires pour financer des projets communs.Les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES), qui regroupent le Burkina Faso, le Mali et le Niger, dépendent largement des importations pour satisfaire leurs besoins en biens et services.

Ces importations proviennent principalement d’autres nations de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), notamment la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Nigeria et le Sénégal.

Les produits importés incluent le pétrole, l’énergie électrique, le clinker pour la production de ciment, des préparations alimentaires…

L’impact de cette taxe sur leurs économiesLa sortie des pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) — Burkina Faso, Mali et Niger — de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a des répercussions économiques significatives, si ces pays ne mettent pas ensemble une barrière tarifaire, douanière et fiscale, explique l’économiste sénégalais Meissa Babou.

« La CEDEAO a fermé ses frontières et a appliqué le même taux, 0,5 % pour tous les autres non-membres de la CEDEAO. Maintenant, quand ils sortent, et ils ne sont même pas encore sortis, je crois qu’il y a encore un peu de temps, mais ils ont anticipé quand même sur cette taxe communautaire pour éventuellement anticiper la sortie de ces pays-là et appliquer le même tarif douanier hors AES. »

Sur l’impact que cette mesure pourrait avoir sur les échanges commerciaux entre les pays de l’AES et notamment ses voisins de la CEDEAO, l’économiste enchaîne : «Certainement, ça peut avoir un impact négatif, d’autant que tous ces pays de la CEDEAO, surtout en Afrique de l’Ouest, qui commerçaient avec les pays membres de la CEDEAO sans payer ces droits de douane ni des taxes supplémentaires, ces pays peuvent, quand ils rencontrent effectivement ce cordon fiscal et douanier de l’AES, détourner leurs exportations vers les pays de la CEDEAO qui n’appliquent pas en interne ces mesures-là.

Donc, première chose, peut-être qu’il y aura une réorientation des exportations des pays non membres, ce qui peut effectivement bloquer certaines choses dans les pays de l’AES parce qu’il peut manquer une matière ou bien une marchandise. Maintenant, ce qui est positif, c’est que ces pays veulent confirmer leur autonomie en prenant cette mesure. Donc, ils peuvent effectivement chercher, à travers ces taxes-là, une manne financière capable quand même de booster leur économie, parce qu’il s’agit d’entrée d’argent.Certes, ça peut limiter effectivement le commerce intra-AES-CEDEAO, mais c’est aussi peut-être une mesure souverainiste pour affirmer ou confirmer leur souveraineté par rapport aux autres pays de la CEDEAO.»

En interne, quelle est la conséquence que cela peut avoir sur les économies et surtout sur les consommateurs ? Doit-on craindre une inflation dans l’espace AES ?

« C’est très possible parce que si les exportations par exemple sénégalaises sont détournées vers d’autres pays de la CEDEAO où ils ne payent rien du tout, il peut effectivement manquer une marchandise ou une matière. Cela peut effectivement entraîner une inflation interne » pense le professeur d’université.

Les implications pour les pays de la CEDEAO

La CEDEAO a instauré des accords facilitant la libre circulation des personnes et des biens entre ses États membres. Avec le départ de ces trois pays, la validité de ces accords est remise en question, ce qui pourrait entraver les déplacements et les échanges commerciaux au sein de la région.

Les citoyens et les entreprises des pays restants pourraient faire face à des obstacles supplémentaires, tels que des exigences de visa ou des droits de douane accrus, compliquant ainsi les interactions transfrontalières. Au lendemain de cette mesure, de nombreux observateurs craignent tout de même une réciprocité de la part des autres pays de la CEDEAO. Un avis partagé par l’économiste Meissa Babou, qui affirme que la CEDEAO est protégée par un cordon douanier où toute entrée extérieure doit payer 0,5%.

« Maintenant, si vous sortez de la CEDEAO, vous êtes exposé. Et donc, certes, ils vont payer maintenant leur entrée à la CEDEAO, mais eux aussi, ils ont anticipé en mettant aussi leurs taxes. Malheureusement pour tout le monde, parce que pour la CEDEAO, toute importation des pays de l’AES sera facturée de 0,5%, et donc ça peut créer une augmentation de prix. Si vraiment c’est un produit essentiel, une matière essentielle, ce sera la même chose parce que pour entrer dans l’AES, il faudra payer, et donc ce sera forcément aussi une augmentation de prix, ce qui peut créer une inflation intérieure. »

L’instauration d’un droit de douane commun par les pays de l’AES représente une initiative significative visant à renforcer leur intégration économique. Toutefois, cette mesure comporte des défis internes et régionaux qui nécessiteront une attention particulière pour préserver la stabilité économique et sociale de l’Afrique de l’Ouest.

https://www.bbc.com/afrique/articles/c3r8pjyeer0o

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